Anciens célèbres : Paul Guth

Paul Guth (1910-1997) – Nationalité française, romancier Ancien résident de la Fondation Deutsch de la Meurthe Paul Guth suit des études littéraires au Lycée Louis-le-Grand à Paris, et devient agrégé de lettres en 1933. Professeur puis journaliste, il publie son premier roman Les Mémoires d’un Naïf en 1953. Il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages dont les […]

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Paul Guth (1910-1997) – Nationalité française, romancier Ancien résident de la Fondation Deutsch de la Meurthe

Paul Guth suit des études littéraires au Lycée Louis-le-Grand à Paris, et devient agrégé de lettres en 1933. Professeur puis journaliste, il publie son premier roman Les Mémoires d’un Naïf en 1953. Il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages dont les plus célèbres : Le Chat Beauté, Notre drôle d’époque comme si vous y étiez et Lettres à votre fils qui en a ras le bol.

Je fus pensionnaire de la Cité Universitaire, (Fondation Deutsch de la Meurthe), aux temps héroïques, de 1931 à 1933. J’ai eu la joie de remuer ces souvenirs l’année dernière dans mes Mémoires d’un Naïf.

En 1955, dans le bulletin de l’Alliance, Paul Guth témoignait sur son séjour à la Cité dans les termes ci-dessous :

Je venais de faire quatre ans de prison. Au Lycée Louis-le-Grand, où j’avais préparé, en vain, la sublime Ecole Normale Supérieure. Je sortais de cet échec aussi rompu que par un séjour à Biribi.

D’emblée la Cité me guérit. Je quittais une geôle noire, enfoncée dans le flanc de la Montagne Sainte-Geneviève, et où l’on appelait la cour de récréations « la fosse aux ours ». Je débarquais dans une Cité idéale, pareille à celles dont rêvèrent les philosophes, les peintres, les poètes, depuis. Platon jusqu’à Rabelais et à son Abbaye de Thélème.

De toute la surface de ses arbres, la Cité m’appliqua sur le coeur son cataplasme de chlorophylle. Jusqu’à présent, l’Université ne m’avait semblé pouvoir enfanter dans ses cours que ces avortons végétaux que l’on rencontre aussi dans les hôpitaux et les prisons. Elle tuait l’herbe sous ses pas, comme Attila, et semait, ,à la place, du gravier. Or, à la Cité, elle déployait des pelouses, du
lierre, des fleurs … Comme on disait au temps de Mistinguett, « j’en restai baba ».

La liberté aussi m’étonna. Je ne pouvais pas en croire mes yeux quand je me voyais rentrer moi-même à des minuits. Et bien des camarades prolongeaient leur soirée très au-delà, grâce à l’escalade benoite d’une grille pour nouveaux-nés.

La Cité ne bornait pas là ses bienfaits. Elle m’accordait une chambre pour moi tout seul, qui sortais de la promiscuité du dortoir !… Un lavabo, une table,. un placard, une lampe de chevet !… Je touchais tous ces objets d’une main extatique et craintive. J’hésitais à croire que j’y avais droit.

Et ces immenses forêts du Nouveau-Monde qui débordaient presque jusqu’à mon lit, ce Parc Montsouris qu’un chemin de fer traversait, comme un site des Montagnes Rocheuses! Et les visites que nous nous rendions entre camarades, à la Cité Américaine, à la Cité Belge, à la Cité Canadienne… On croyait franchir sans passeport les frontières de la planète. D’une cité à l’autre on changeait presque de climat.

En ces temps lointains, où régnaient Valery, Maurice Chevalier et Giraudoux, où Argentina et Joséphine Baker nous enfiévraient de leurs rythmes, la Cité n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Le Palais du Pavillon Central, dont j’ignore exactement le nom ( ce qui, soit dit en passant, trahit cruellement ma vétusté), n’existait pas encore. Nous mangions dans une baraque, « Le Restaurant Provisoire ». Sous la tôle ondulée, régnait en été une chaleur qui devait rappeler son pays à mon ami Léopold Senghor, alors agrégatif de grammaire, maintenant député du Sénégal.

La jungle mordait tout autour la Cité. La « zone » battait le pied de nos muurs. La nuit, elle . retentissait de bruits de rixes, de coups de revolver. Nous citions avec admiration un étudiant en médecine qui était allé, avec sa trousse, soigner des blessés à quelques mètres de sa chambre. Le bruit courait aussi qu’une belle gitane avait enjambé un jour une fenêtre. Nous nous plaisions à croire que c’était celle du médecin au grand cœur.

La Sorbonne nous semblait très loin, au fond du Moyen Age. Nous nous y rendions par le train ou par un autobus, qui se laissait glisser le long du Parc, vers des cieux moins beaux.

M.Giraud, notre directeur, nous gouvernait avec mansuétude. Il aimait ouvrir sa fondation aux fils d’humbles familles, dont j’étais.

J’aurais passé ma vie à la Cité, dans cette espèce de Far West mâtiné d’Arcadie. Je regrette qu’on n’y accueille pas les couples, j’y vivrais avec ma femme et tous mes amis. On est une Cité idéale on on ne l’est pas.

Crédits photos: wikicommons

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