Témoignage d’ancien : André CHOURAQUI

André Chouraqui était un avocat, écrivain, penseur et homme politique franco-israélien, connu pour sa traduction de la Bible. Il est ancien résident de la Maison Internationale AgroParisTech (Pavillon Agronomique) de 1934 à 1938. Né en 1917 en Algérie, il y étudie la Torah avec son rabbin. Par la suite, en France, il suit à Paris des études […]

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André Chouraqui était un avocat, écrivain, penseur et homme politique franco-israélien, connu pour sa traduction de la Bible. Il est ancien résident de la Maison Internationale AgroParisTech (Pavillon Agronomique) de 1934 à 1938.

André Chouraqui, écrivain et ancien vice-maire de Jérusalem. 1979 © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons
André Chouraqui, écrivain
1979 © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons

Né en 1917 en Algérie, il y étudie la Torah avec son rabbin. Par la suite, en France, il suit à Paris des études en droit, hébreu et araméen, mais les lois de Vichy l’obligent à fuir la capitale. Il rejoint la résistance.

De retour en Algérie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il sera juge à la Cour d’Appel à Alger (1945-1947), puis, en 1948, il est promu docteur en Droit international public à l’Université de Paris. Mais très vite il se passionne pour une nouvelle aventure : la création de l’Etat d’Israël.

Conseiller du Premier ministre David Ben Gourion, à titre bénévole, dans les années 1950, pour les questions d’intégration et d’éducation, il s’installe à Jérusalem en 1958. André Chouraqui devient vice-maire de Jérusalem en 1965. Tout en restant français, il obtient la nationalité israélienne.

Homme d’action, Chouraqui n’en demeure pas moins un écrivain et un penseur. Sa traduction, en 1977, des 26 volumes de la Bible hébraïque et du Nouveau Testament est unanimement salué comme ayant apportés de nouveaux éléments de compréhension de l’ouvrage. Par la suite il traduira le Coran.


En 2005, 2 ans avant sa disparition, il accorda à Olivier Lemaître un interview par internet, entre Jérusalem et Paris, pour le numéro du 1er Mars de Lattitudes, le magasine de l’Alliance. Retrouvez ci-dessus ce précieux témoignage.

Quels souvenirs conservez vous de votre passage à la CIUP entre 1934 et 1938 ? Le campus illustrait-il vraiment ses idéaux de fraternité entre les peuples, ou la monté des fascismes et du racisme en Europe commençait à le toucher?

andré chouraqui - CIUP 1936 - Au pavillon agronomique
André Chouraqui – CiuP 1936
Au pavillon agronomique

Je n’ai gardé que de très bons souvenirs de mon passage à la Cité Universitaire. Ce fut pour moi une période très positive et constructive. Personnellement, pendant cette période je n’ai ressenti aucun désagrément dû à la montée du fascisme et du racisme alors que je ne me cachais pas d’être juif. Nous vivions côte à côte, venant de tous les horizons géographiques, culturels et religieux, sans nous poser de grands problèmes. Les idéaux de fraternité entre les peuples, nous les vivions au quotidien sans nous en apercevoir ou sans y prêter attention, nous étions surtout occupés à mener à bien nos études.

 

 

Dans votre riche oeuvre, vous traitez beaucoup du dialogue entre religions. Pourquoi avoir choisi ce thème ?

Le thème du dialogue entre les religions m’a été inspiré par mon enfance en Algérie où les juifs les chrétiens et les mus~lmans se côtoyaient dans trois ghettos fermés, ne connaissant rien les uns des autres. Cela m’a poussé à rechercher ce que nous avions en commun plutôt que ce qui nous séparait.

Cela m’a conduit à traduire les trois livres sacrés, la Bible, le Nouveau Testament et le Coran, dans l’espoir que les lecteurs des trois religions monothéistes s’aperçoivent qu’ils disent à peu près la même chose, dans un même but d’amour du prochain et de son Créateur, soumis aux mêmes Dix Commandements ! Il y a encore du chemin à parcourir.

On voit aujourd’hui beaucoup de jeunes se détourner des croyances religieuses parallèlement à d’autres qui se laissent séduire par des idées extrémistes. Malraux laissait entendre que le « Le XX.le siècle sera religieux ou ne sera pas ». Estimez vous que le siècle prendra finalement de manière aussi catégorique l’une ou l’autre des directions ?

Je pense que ces deux tendances continueront à exister, mais je souhaite que la spiritualité, qui se situe au-delà des religions, l’emporte. Nous vivons dans un univers de plus en plus global et menacé alors que les facilités de communications de plus en plus grandes devraient servir à propager les idéaux de paix, de fraternité et d’amour entre les hommes.

Vu d’Europe, Israël donne l’impression d’être très isolé dans sa propre région. Le pays a-t-il cependant des échanges culturels et universitaires avec les autres pays voisins ? Quels sont-ils?

André Chouraqui, jeune étudiant
André Chouraqui, jeune étudiant

Israël est effectivement isolé dans sa région, avec cependant des échanges très importants dans différents domaines avec la Jordanie et l’Égypte qui sont en paix avec Israël, avec la Turquie et certains pays du Golfe. Étant retraité, et loin des affaires politiques du pays, je ne suis malheureusement pas en mesure de vous donner des précisions sur ces échanges.

Quelle est votre position sur la démarche à suivre pour aboutir à la paix entre israéliens et palestiniens ? Croyez vous aux chances de la « feuille de route »?

Depuis quarante ans je préconise une fédération ou une confédération, d’abord avec la future Palestine et la Jordanie, s’étendant ensuite aux autres pays du Proche Orient. La feuille de route doit permettre de reprendre les négociations à condition, bien sûr, que le terrorisme cesse. La paix ne viendra que par la négociation.

Dans l’hypothèse où l’Etat palestinien serait créé et que ce dernier reconnaîtrait l’Etat d’Israël, compte tenu de la gravité des tensions historiques entre les deux peuples, plusieurs générations devront-elles passer avant d’envisager une coopération proche du modèle de l’Union Européenne ?

Je ne pense pas qu’il faille attendre plusieurs générations. Une fois la paix réelle signée, la confiance mutuelle retrouvée, la coopération entre les deux peuples se fera du jour au lendemain au grand bénéfice de chacun.

De quoi rêvez-vous pour l’avenir de la région?

Je rêve d’une paix globale, non seulement dans la région, d’une confédération des pays du Moyen Orient avec libre échange, libre circulation. C’est une utopie qui se réalisera, je le souhaite et
l’espère, dans un proche avenir.

 

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