Une rencontre parmi des milliers à la CIUP en 1968

Michel et Monique RivierJ’ai rencontré ma femme Monique à la « Deutch », comme le disaient à l’époque, tous les étudiants qui vivaient à la « cité », autre raccourci…

En fait je l’ai rencontré au « Monaco » considéré un peu comme une vieille dame assoupie dans ses anciens décors. Je venais de passer 1 an déjà au nouveau bâtiment des Arts &Métiers pour ma dernière année d’étude d’ingénieur.

J’avais donc demandé à bénéficier d’une 2ème année, au pavillon Deutch, pour un troisième cycle. Septembre 1967, donc, redécouverte de la cité sous un angle un peu plus festif que n’avait pu me permettre ma 1ère année. Bien sur, il y avait les sports, tennis, salle de gymnastique, piscine, mais c’est le groupe de danse qui retint mon attention. Surement pour pouvoir franchir plus aisément la barrière « des sexes » entre étudiants. Pendant un an j’ai eu un plaisir fou à apprendre plusieurs danses folkloriques, parallèlement à ma participation à l’équipe de rugby de la Cité.

Ainsi en janvier 68, une jeune fille rentre dans la chambre d’un ami, au Monaco, pour proposer une séance de présentation de photos des dernières vacances d’hiver passées dans les Alpes dans l’un des centres de l’UCPA, séance de photos souvenirs entre amis skieurs d’une semaine. « Vous pouvez venir aussi si vous voulez me lança-t-elle, en partant ». Il ne fallut pas que l’on me le répéta deux fois !, la chose était gravée dans ma tête. Soirée souvenir donc,…, puis resto U à la « Fondation » comme nous appelions le Pavillon central, je retrouvais Monique plus fréquemment jusqu’à mai 68.

L’agitation des facs de Paris remonta à la Cité, beaucoup de maisons nationales voyaient leur étudiants remuer, certaines avec des objectifs politiques, d’autres plus « gestionnaires » voulaient remettre en cause les fonctionnements existants. La Deutch n’y échappa pas. Il faut dire qu’à l’époque, il y avait un pavillon strictement occupé par les filles avec règles strictes d’accès. Puis, il y avait un pavillon de garçons et un autre de filles où les accès étaient libres. Le dernier verrou devait tomber aux dires des étudiants,…. il tombera effectivement.

A la Deutch les choses étaient organisées, il y avait un Comité des étudiants résidents de la Deutch. Monique en était la Présidente avec une demi-douzaine de camarades autour d’elle. La rentrée de septembre avait été houleuse au moment de l’élection du Comité : plus de politique ou moins de politique ? Déjà les évènements qui couvaient, firent une relative apparition au cours du premier trimestre 68. Pétition formelle, démission de l’un,…, j’eu le plaisir d’intégrer le comité des résidents de la Deutch par cooptation non démocratique (mais légale puisque prévue aux statuts). Bref, avec Monique nous nous attaquâmes à la révision des statuts de la résidence « Deutch de la Meurthe ». Nous eûmes ainsi une demi-douzaine de rencontres, réunions de travail avec notre directeur M. Lejeune. Ce ne fut pas une rude bataille, mais plutôt un apprentissage de la diplomatie, nous étions à bonne école. Je le dis sans animosité et avec le sourire aux lèvres (puisque j’ai dépasé l’âge qu’avait lui-même M. Lejeune à l’époque), ce qui nous embêtait le plus chez notre interlocuteur, c’était sa manie (mais oh combien nécessaire) de rappeler le contexte et les limites du possible du moment. Cela durait en général une bonne dizaine de minutes à chaque rencontre, nous prenions notre mal en patience !!!

Nous n’étions pas des extrémistes et nous cheminâmes vers des améliorations qui, somme toutes, sont complètement normales aujourd’hui. Ainsi nous apportâmes notre petite pierre à l’édifice nouveau qui se construisait dans la société. En sortant d’une réunion avec M. Lejeune, Monique et moi nous nous regardions en nous disant « serons-nous comme lui à son âge ? ». Mais finalement, chaque maison nationale eut son lot de modifications ou de fermeture temporaire plus ou moins longue.

Malgré toute cette agitation, soit dans la Cité, soit dans Paris dans les locaux des facs ou à l’Odéon, chacun retourna à ses études pour finaliser les examens soit en juillet, soit en septembre. Ce fut une période réellement extraordinaire : vent de liberté, oui, mais pas seulement, les potentialités que nous découvrions au contact des autres étudiants venus des 4 coins de la planète, lors de conversations sans fin, nous ouvraient des horizons de rêves et d’avenir. Quelques amis de cette époque sont toujours nos amis aujourd’hui, 45 ans après, ils sont à 1km ou à 14000km peu importe, mais notre amitié d’alors a survécu jusqu’à aujourd’hui.

Finalement, 68-69, notre 3ème année à la Cité, conforta nos avancées dans la vie tout simplement. En effet, le 20 juillet 1969, certains arrivaient sur la lune et nous, nous décidâmes de nous fiancer, comme on le faisait encore un peu à l’époque. Et nous organisâmes la célébration de notre mariage au pavillon central de la Deutch de la Meurthe. Ce fut le 9 novembre 1969, les copains de la Cité étaient là, les parents étaient là, les amis étaient là et M. et Mme Lejeune étaient là. Ce fut un bonheur, un beau moment que nous devions à notre directeur qui avait  accepté que nous organisâmes tout cela sur place. M. Lejeune était aussi un homme bon…. Qu’il en soit remercié à nouveau ici, en cet instant de souvenir. D’ailleurs, nos relations eurent l’occasion de s’amplifier quelques années plus tard, lors de sa prise de retraite et de son emménagement dans son appartement rue Gazan. La vie lui avait réservé quelques surprises de dernière minute en matière immobilière !

Puis, 25 ans après, en 1994, c’est notre fils ainé Léonard qui vint passer un an aux Arts et Métiers, enfin ce fut notre fille Caroline qui y séjourna 2 ans, au pavillon américain, fin des années 90. La troisième Aurélia n’eut pas ce plaisir puisque d’autres solutions institutionnelles lui furent proposées.

Actuellement, nous avons 5 petits enfants entre 5 ans et 1 an, répartis entre la France et l’étranger. Notre souhait serait que l’un après l’autre, chacun de nos petits-enfants puisse bénéficier d’un passage à la Cité, creuset de la vision d’un homme ou d’une femme jeune, forge d’une conscience universelle et non melting pot.

Monique et Michel Rivier

Publié avec l’aimable autorisation du service Mécénat de la CIUP – Parution en Mars 2014 dans la Lettre du Mécénat.

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