Nous avions interviewé Jacques Salès, ancien résident de la Maison des provinces de France (1964-1966), lors de la sortie de son dernier livre : Haïti : Naissance Tragique. A l’occasion de la sortie d’Une Jeunesse Dorée (éditions France-Empire), son nouveau roman, nous lui avons posé quelques questions sur sa pratique littéraire et sur son nouvel ouvrage.
- Vous avez publié en 2012 votre premier roman, Haïti : Naissance Tragique et vous venez de publier, également aux Editions France-Empire, votre second roman, Une Jeunesse Dorée. Qu’est-ce qui vous a donné envie de reprendre la plume?
Le moment était tout simplement venu pour moi de rendre à ma façon hommage à de jeunes haïtiens que j’ai bien connus et qui furent pour certains des amis très proches. Ils se sont sacrifiés, certains pour des « lendemains qui chantent » marxistes, qui les dépassaient peut-être, mais tous, marxistes ou non, pour le relèvement de leur pays, Haïti.
J’ai aussi voulu chanter un hymne à l’amitié à ceux qui, pendant ma vie d’étudiant, ont été mes amis à la Cité U et sur le campus de Harvard, et qui sont aujourd’hui mes frères.
- Vous mettez en scène Arnaud Marjac et Julien Lautard, deux jeunes étudiants haïtiens à Paris. Quelle part de vous-même se retrouve dans les personnages ?
Je vais vous mettre sur la piste.
Dans la Note de l’Auteur au début du livre, j’écris que « la plupart des personnages mis en scène dans ce livre — les bons, les brutes et les méchants — ont existé […]. A une exception majeure près, qui n’a été qu’un rêve non réalisé, la quasi-totalité des événements qui y sont relatés se sont bel et bien produits ». Je précise en outre dans mes Remerciements en page 273 que « peu avant sa mort en 2008, ma mère m’a remis, classées par ordre chronologique, les quelques centaines de lettres que j’avais écrites à mes parents pendant ma vie d’étudiant. C’est à mes parents qui ont conservé ces lettres, et aux souvenirs ravivés par elles, que je dois d’avoir pu écrire ce livre qui est cependant, je ne le soulignerai jamais assez, un roman et non une autobiographie ».
Il y a donc une grande part de moi et de mes proches amis dans ce roman, et je dirais que sous réserve d’une exception majeure qu’il appartiendra au lecteur de deviner, tous les événements rappelés dans ce roman ont été vécus par moi ou par des amis très proches dans les années 60, mais pas nécessairement aux dates suggérées dans le roman.
- Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire ce livre ?
Je l’ai écrit assez vite, disons de mars 2012 à mai 2013. Il est vrai que je disposais d’une mine, mes lettres à mes parents conservées par ma mère comme je viens de le dire. J’ai consacré à la rédaction de ce roman une très grande partie de mes loisirs et de mes vacances, en continuant à exercer ma profession d’avocat. Je n’étais probablement plus à prendre avec des pincettes, et j’en demande pardon à ma femme, à mes enfants, à mes petits-enfants et à mes proches qui ont dû me supporter pendant cette période.
- Pourquoi ne pas vous être choisi comme personnage principal?
Julien Lautard est allé jusqu’au sacrifice suprême pour une cause qui lui tenait à cœur. Cela n’a pas été le cas d’Arnaud Marjac, le personnage qui philosophiquement me ressemble le plus dans ce roman et qui fut l’ami et cousin dans la vie de Julien/Joël. Il était donc normal qu’Arnaud laissât la première place à Julien/Joël.
- Ce nouveau roman n’est pas estampillé « historique », mais l’Histoire sert de toile de fond à votre récit. Voyez-vous en l’Histoire un moyen de donner de la consistance à vos personnages?
Une Jeunesse Dorée n’est en effet sûrement pas un « roman historique » comme l’a été mon premier livre, Haïti : Naissance Tragique, mais c’est un fait que les événements qui ont agité les années 60 servent de toile de fond à ce deuxième roman. Beaucoup d’étudiants des années 60, français, américains, latino-américains, nord-africains, africains, vietnamiens ou haïtiens, mais aussi italiens, suisses, espagnols, allemands, suédois, brésiliens, kurdes, etc., se reconnaîtront sans doute dans les icônes du castrisme, du marxisme-léninisme, du maoïsme, mais aussi dans le général de Gaulle, John Kennedy, Martin Luther King ou Patrice Lumumba, dans les leaders des mouvements kurdes, etc.. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que certains des personnages de mon roman aient partagé les valeurs prônées et les doutes exprimés par ces différentes icônes et ces personnages de l’histoire des années 60.
- Quel rôle la Cité Universitaire Internationale de Paris a-t-elle joué dans votre vie?
Les années que j’ai passées à la Maison des Provinces de France et à la Cité U ont incontestablement été parmi les plus belles de ma vie, en raison sans doute des amitiés durables que j’y ai nouées. Mes amis de la Cité U, leurs conjoint, enfants et petits-enfants forment avec mon épouse, mes enfants et petits-enfants, une grande famille qui se retrouve avec plaisir et souvent pour des anniversaires, des mariages, des vacances, comme hélas des enterrements et pour évoquer les temps bénis de notre jeunesse dorée à la Cité U. Ceci explique qu’Une Jeunesse Dorée soit aussi un hymne à l’amitié.