Témoignages d’anciens

Alexandre Fontaine est un ancien résident de nationalité suisse qui a résidé à la maison du Danemark. Aujourd’hui, maître-assistant à l’université de Genève et membre associé de l’UMR 8547 « Pays germaniques – transferts culturels » à l’ENS-Ulm de Paris, il revient sur son parcours d’ancien résident.

En quelle(s) année(s) et dans quelle(s) maison(s) avez-vous résidé à la Cité ?

J’ai été « brassé » dans la Fondation danoise où j’ai vécu de septembre 2009 à juillet 2010.

A quelle université étiez-vous inscrit, quelle formation suiviez-vous ? Paris était-il le seul choix possible ?

AFontaine_2J’ai obtenu une bourse « jeune chercheur » du Fonds national suisse de la recherche scientifique qui m’a permis de prolonger mes recherches dans le laboratoire de mon co-directeur de thèse, Michel Espagne à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm.

Ce séjour doctoral à Paris a été décisif pour ma formation scientifique, non seulement parce qu’il m’a donné l’opportunité d’appréhender la notion de « transfert culturel » dans une équipe d’excellence, mais aussi parce que j’ai pu enrichir mes hypothèses à partir de fonds archivistiques de premier plan.

Quels souvenirs gardez-vous de vos années de séjour à la Cité ? Comment était la vie à la Cité ?

D’un côté, j’en garde un souvenir extrêmement doux. J’ai apprécié, à 33 ans, de retrouver ce monde estudiantin, les longues discussions parfois enflammées avec les résidents et les excellentes conditions de travail : tout est fait à la Cité pour favoriser l’émulation intellectuelle, et le fait d’avoir pu confronter mes idées dans un environnement aussi cosmopolite m’a été d’une aide substantielle pour élargir mes perceptions.

D’un autre côté, l’année 2010 a été cruelle puisque j’ai perdu mon oncle, ma tante et mon père. Là encore, j’ai reçu un soutien admirable de la part de mes amis de la Cité – qui est un lieu de solidarité par excellence. Enfin, je garde en mémoire toute l’humanité de l’ancien directeur de la Fondation danoise, feu Karl Ejby Poulsen, ainsi que l’amabilité du personnel de la Maison.

Les valeurs humanistes à l’origine du projet de la Cité Internationale, étaient-elles une réalité ou une utopie ?

Dans les années de l’entre-deux-guerres, la fondation de la Cité (1925) répondait à une actualité et une urgence qui se sont estompées aujourd’hui. Mais je reste convaincu qu’une inspiration particulière existe encore dans cette bulle du 14e arrondissement. Un grand nombre des résidents que j’ai connus étaient conscients de la chance d’intégrer un tel écrin. Chacun s’incarnait en ambassadeur de son pays, avec la volonté de partager certaines valeurs universelles et de s’ouvrir à la complexité de l’altérité. De plus, l’année 2010 fut celle du Jubilé Honorat ; et l’excellente exposition « L’odyssée d’une utopie » esquissait les grandes lignes de cet héritage porté par les idéaux de son temps.

Malgré les nombreuses activités proposées à la CIUP, avez-vous trouvé le temps et les moyens de suivre correctement vos études ?

Globalement, je pense m’être consacré pleinement à mes recherches, au détriment peut-être de certaines activités. Mais il a fallu faire des choix que je ne regrette nullement aujourd’hui. Il faut dire que j’avais déjà passé une année d’échange Erasmus en Allemagne à Bamberg en 2002-2003, année qui avait été davantage placée sous le signe d’Épicure puisqu’il s’agissait avant tout de revenir avec de bonnes notions de la langue de Goethe.

Vous êtes-vous investi dans la vie de la Cité ? Si oui, de quelle manière ?

J’ai eu le plaisir de prendre part à plusieurs « petits déjeuners », notamment avec la journaliste Michèle Cotta qui m’a fait une très forte impression. J’ai également participé aux premières rencontres scientifiques de la CIUP en juin 2010, présidées par le Professeur Robert Mankin qui m’avait donné d’excellents conseils quant à ma recherche sur les références suisses de l’école de la Troisième République française – et plus généralement sur la construction des identités nationales dans l’Europe du long 19e siècle.

La dimension internationale de la vie à la Cité vous a-t-elle apporté des éléments utiles pour la suite de votre carrière professionnelle ?

Absolument, car l’environnement cosmopolite de la Cité nous oblige à repousser nos propres limites identitaires et à accepter cette « intranquillité » chère à Fernando Pessoa. Jean-Pierre Vernant n’a-t-il pas écrit que « pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît, on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même et de l’autre, l’homme est un pont ». Je reste convaincu que la Cité offre l’inspiration pour soigner la construction de ce fameux pont.

Etes-vous resté en contact avec des résidents de la même époque que vous ou des Anciens de la Cité ?

Oui, et un des résidents de la Fondation du Danemark est même devenu mon témoin de mariage. J’essaie par ailleurs de suivre l’actualité de la Cité au travers du site web de l’Alliance internationale.

Comment percevez-vous la Cité aujourd’hui ? Avez-vous l’impression qu’il y ait eu des changements importants ?

A dire vrai, je ne pense pas que l’esprit de la Cité ait véritablement changé, sinon qu’il s’adapte en fonction de ses occupants – et de l’époque au sein de laquelle ils se meuvent, ils s’animent.

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je prolonge mes recherches sur les transferts culturels à l’Université de Genève où j’enseigne. Je me suis également rendu en Tunisie où j’ai effectué un séjour postdoctoral à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain. Par ailleurs, mon livre « Aux heures suisses de l’école républicaine », paru chez Demopolis en mars dernier, a reçu le Prix Louis Cros 2015 de l’Académie des sciences morales et politiques.

AF_Image livreDocteur des universités de Paris 8 et de Fribourg (Suisse), l’historien des transferts culturels Alexandre Fontaine a obtenu le Prix Louis Cros 2015, décerné par l’Académie des sciences morales et politiques pour son livre « Aux heures suisses de l’école républicaine » paru chez Demopolis en mars 2015.

Le prix Louis CROS a été créé à l’Institut de France, sous l’égide de l’Académie des sciences morales et politiques, par convention avec le Comité Universitaire d’information Pédagogique. Il récompense, annuellement, une œuvre dans le domaine de l’éducation et de la formation. Son montant, fixé chaque année par l’Institut de France, s’est élevé à 10 000€ pour l’année 2015. Il est décerné à l’auteur ou aux auteurs d’un ouvrage ou d’un travail universitaire susceptible d’éclairer non seulement les spécialistes et les praticiens, mais également le grand public, sur les enjeux et les défis contemporains de l’éducation et de la formation.

Aux heures suisses de l’école républicaine, Demopolis, Paris, 2015.

Contrairement à une idée répandue, l’école de Jules Ferry n’est pas une invention made in France qui se serait élaborée en vase clos. Comme pour la plupart des espaces pédagogiques qui se consolident durant le XIXe siècle, les structures scolaires mises en place sous la IIIe République résultent d’un jeu d’absorptions et de réinterprétations de références étrangères.
Si les penseurs de l’école républicaine que sont Edgar Quinet, Ferdinand Buisson ou Jules Barni, exilés en Suisse sous le Second Empire, ont joué un rôle décisif dans le transfert de pratiques scolaires vers Paris, d’autres médiateurs actifs dans le sillage du Père Girard et de son élève le pédagogue romand Alexandre Daguet restaient à éclairer.
En décloisonnant ces espaces pour reformuler des connexions oubliées, cet ouvrage propose une relecture des relations (pédagogiques) franco-suisses. Dans ce sens, il répond à la nécessité de réévaluer l’histoire des nations occidentales afin d’en éclairer les racines étrangères et les dettes culturelles. Accepter que notre histoire soit aussi celle des autres constitue assurément un défi de taille pour l’ego-citoyen du XXIe siècle.

Paul Marcel est un ancien résident de la Maison des étudiants de l’Asie du Sud-Est (MEASE) entre 1946 et 1950. Il en a également été directeur entre 1987 et 1996. Il est le fondateur, avec son frère Joseph de l’A.S.C.U.P. (Association sportive de la Cité universitaire de Paris) qui a précédé l’actuel service des sports de la Cité. Enseignant de français et de vietnamien, il a été pendant une dizaine d’année (1970-1981) chargé de mission à l’Alliance Internationale et conseiller de l’A.S.C.U.P. jusqu’en 1988.

C’est par un matin lumineux du 28 octobre 1946 que, venant du Vietnam, j’ai franchi les grilles du 59-61 boulevard Jourdan, pour découvrir les premières fondations de la Cité avec leurs architectures originales ; le parc Ouest alors agrémenté d’arbres encore jeunes qui commençaient à prendre sous le soleil de jolies couleurs d’automne. C’était un ravissement.

La bonne fortune m’a permis de faire la connaissance d’hommes et de femmes exceptionnels, hors du commun, qui m’ont beaucoup aidé, beaucoup appris par leurs actions, pour faire vivre l’âme de la Cité. C’est à la Maison de l’Indochine, actuellement Maison des étudiants de l’Asie du Sud-Est que notre directeur, Monsieur André Masson, m’a, le premier, révélé les buts et les idées des fondateurs de la Cité : fournir en priorité aux étudiants économiquement faibles un logement convenable, confortable – créer, par l’interpénétration des cultures, l’amitié.

À cette Maison des étudiants de l’Asie du Sud-Est toujours, ma première femme de service, Claire, qui faisait les lits et assurait la propreté de nos chambres, nous grondait copieusement quand nous n’étions pas assez ordonnés, quand elle croyait que nous nous dispersions un peu trop … mais elle prenait bien soin de nous, à sa manière, sans doute le faisait-elle en pensant à l’inquiétude de nos mamans, et, inconsciemment, dans son travail, comprenait-elle aussi l’esprit de la Cité ?

Les quatre années de résidence à la Maison de l’Indochine restent inoubliables, parmi les plus belles années de ma jeunesse où j’ai eu la possibilité de participer aux différentes activités, manifestations offertes par la Cité, où j’ai eu la chance de nouer de solides amitiés.

Presque quarante années après, durant neuf années à la direction de ma maison, j’ai essayé de l’animer : avec les comités des résidents, les résidents, le personnel, nous organisions des manifestations culturelles, remportions de nombreuses coupes lnter-fondations, préparions des repas gastronomiques où chacun pouvait goûter les différents plats nationaux. L’ambiance familiale, la chaleur du foyer dans lequel nous vivions, laissent, je crois, de bons souvenirs à ceux qui ont su participer à ces activités. Ceux-ci ont sans doute bien compris qu’il est important de quitter la Cité avec ses diplômes mais aussi avec son carnet d’adresses bien rempli !

Mr Paul Marcel et sa femme dans le jardin de la Maison des Etudiants d'Asie du Sud-Est
Mr Paul Marcel et sa femme dans le jardin de la Maison des Etudiants d’Asie du Sud-Est

Avec les encouragements d’André Honnorat, de l’inspecteur des sports Francis Boile, avec mon frère Joseph et quelques amis fanatiques du sport, nous avons fondé l’A.S.C.U.P. (Association sportive de la Cité universitaire de Paris) qui a remplacé le C.O.C.U. (Club olympique de la Cité universitaire de Paris) d’avant-guerre. L’ASCUP, dirigée par les résidents pour les résidents organisait entre autres activités des tournois inter-fondations favorisant les rencontres entre résidents.

Les matches étaient parfois âpres mais nous permettaient aussi de nous découvrir ; des rencontres avec les clubs sportifs des universités étrangères … nous avons, par exemple, reçu à la Cité en 1953, l’équipe de tennis de table du Japon, alors championne du monde.

Madame Honnorat assistait rituellement aux compétitions, à la remise des coupes, clôturant la Journée Honnorat consacrée aux finales de ces tournois amicaux. Sans doute pour me témoigner sa sympathie et son attachement à l’ASCUP, dont j’étais un des animateurs, Madame Honnorat, avant de couper mon gâteau de mariage avait assisté à la bénédiction nuptiale, célébrée en 1962 en l’Eglise du Sacré-Cœur des étudiants, plus connue sous le nom de l’Eglise de la Cité, financée par l’industriel Pierre Lebaudy et bâtie sur la commune de Gentilly en 1936. Concernant les cultes, notons que le Foyer protestant des étudiants est construit aussi en 1936, dans la Villa du Parc Montsouris.

Journée Honnorat
Remise de coupe par Madame Honnorat, lors de la Journée Honnorat du tournoi inter-fondation de la Cité Internationale

Comment ne pas avoir une pensée émue pour Jeanne Thomas, secrétaire d’André Honnorat, qui en 1948 avec Albert Brunois (1911-1915, bâtonnier du barreau de paris, fondateur en 1965 de École de formation professionnelle des barreaux de la cour d’appel de Paris – EFB), Jean Vaujour, Daniel Pépy (Conseiller d’État, Maison des Provinces de France 1937-1939), a créé l’Alliance Internationale des Anciens résidents de la Cité dont le but est d’unir tous ceux qui ayant le privilège de résider à la Cité, ont la volonté de poursuivre l’œuvre de cette institution. Reconnue d’Utilité Publique, en septembre 1968, cette Alliance a tissé un réseau d’anciens répartis dans le monde. Elle réalise, entre autres, un film avec FR3 « Une cité pas comme les autres ».

Elle a été aussi à l’origine du jumelage d’une ville chinoise Zibo avec la Roche s/Yon où elle effectue annuellement « La Découverte de la Vendée » instituée grâce à Claude Delaunay, découverte pendant laquelle, en partageant la vie des familles vendéennes, nos résidents découvrent des aspects de la France profonde. Ceux qui ont connu les Garden Party, Les Fêtes des Nations, organisées par l’Alliance des années 60 s’en souviennent encore avec joie et émotions pour les spectacles culturels, folkloriques, les magnifiques stands nationaux qui couvraient le parc et attiraient le tout Paris.

Évolution:

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Construction du périphérique parisien

Dans le beau parc de 37 hectares, aux essences variées rapportées par A. Honnorat de ses voyages, que le bruyant « périf’ ne longeait pas encore, il existait en 1946, 21 maisons ou fondations ; en 1970, 37 dont 14 maisons rattachées et 23 non rattachées, à la Fondation nationale. De ces résidences sont sortis d’illustres artistes, écrivains, scientifiques, hommes politiques : Jean-Paul Sartre, Habib Bourguiba, Narcisso Yepes, Leopold Sedar Senghor, Raymond Barre, Michel Aurillac, Michel Jobert, et tant d’autres. Notons que la Maison des Etudiants Canadiens a eu pour résidents Pierre-Elliot Trudeau et … Pierre Demers.

Il faut ajouter à ce patrimoine la Fondation Haraucourt dans l’ile de Bréhat, en Bretagne, don de l’auteur du fameux Poème de l’Adieu, à la Cité, au bénéfice des résidents.

La Fondation Nationale partageait dans les années 70 la gestion du chalet de Bonascre avec SUPAéro de Toulouse ; l’ASCUP organisait des stages de ski dans ce chalet pyrénéen.

Depuis quelques années et actuellement, des chantiers rénovent les maisons anciennes. Aussi le confort s’est amélioré. Voilà un des objectifs bien mené.

En 1946, un bachelier pouvait poser une demande d’admission à la Cité ; aujourd’hui il faut avoir un bac +3, ou +4. Le nombre des résidents a doublé depuis 46. Il faut aussi compter maintenant les « stagiaires ».

À ce sujet, je crois qu’en principe, les amitiés les plus fortes, les plus durables se nouent quand on est plus jeune, au cours des premières années d’études et de découvertes. Le résident de l’an 2000 n’est pas celui des années 50, pour de multiples raisons, à cause du changement, de l’évolution même de la société.

Les Associations et les services

La D.C.R. (Délégation des Comités des résidents) représente aujourd’hui l’ensemble des Comités des Résidents au Conseil d’administration de la Cité et s’est ajoutée à l’AIRCUP (Association internationale des résidents de la Cité universitaire de Paris) qui existait déjà en 1946.

Dirigé par Elisabeth Louveau, le Service Cité Culture, installé au Salon Stéphane Ariel (nom d’un excellent animateur du Théâtre des résidents, lui-même résident dans les années 50) fonctionne à la place du CCI (Centre culturel international) animé dans les années 50 par René Bocca, puis Jean Bachelot, alors résidents, devenus directeurs ; le premier de la Maison de Monaco, le second de la Maison Internationale et de la Maison de Cuba. Service qui, entre autres actions, soutient les activités culturelles des résidents. L’ASCIUP (Association sportive de la Cité internationale universitaire de Paris) a remplacé I’ASCUP, supprimé en 1988. Elle est conduite par Alain Braun, directeur du Service des Sports, qui propose des activités et des cours de nombreuses disciplines sportives, bien organisés, allant de l’aquagym au yoga en passant par les danses africaines, sud-américaines, le tango argentin qui connaît en ce moment un réel engouement.

Les tournois inter-fondations continuent de donner aux équipes des différentes maisons l’occasion de se mesurer. Cependant, des résidents anglais, australiens, français et autres s’interrogent sur l’absence d’une équipe de rugby de la Cité alors que face à la Maison des Provinces de France se trouve un beau stade de rugby bien grillagé.

La Bibliothèque Centrale de la Maison internationale, domaine de Marie-Dominique Loustalot, qui s’est bien enrichie, est le lieu d’études et de recherches confortable où l’on peut utiliser des appareils informatiques performants.

Quatre salles de théâtre, dont La Galerie qui remplace l’ancienne salle de bal de la Maison internationale où se déroulaient les grands bals annuels de l’ASCUP, de l’X (École polytechnique) entre autres et où s’étaient produits des musiciens célèbres comme Sydney Bechet, Rex Stewart, Dom Byas …

L’Ambassadeur André François-Poncet, alors Président de la Cité, et qui a beaucoup soutenu l’ASCUP y honorait de sa présence le Bal des sportifs. Une fois, ne pouvant pas assister à ces réjouissances, il écrivit pour s’excuser en me demandant avec son humour: de vouloir comprendre qu’ « il n’était plus de son âge d’aller faire basculer les jeunes résidentes ».

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Remise d’épée d’académicien à A.François Poncet au grand salon de la Maison Internationale. Il signe le livre d’or de la Maison internationale.

Au grand théâtre sont passés, sous la direction de Monsieur Spitzer : Jean Vilar, Gérard Philippe, Jean Renoir, Simone Signoret …

Aujourd’hui, les quatre salles de théâtre avec une directrice artistique Nicole Gautier proposent une programmation régulière de compagnies professionnelles. C’est aussi un lieu de découverte de nouveaux talents.

L’orchestre de la Cité, sous la direction d’Adrian McDonnel, et la chorale dirigée par Eric Colard donnent des concerts remarquables.

L’orchestre international de la Cité universitaire et la chorale des années 50, sous la baguette de René-Pierre Chouteau, ont connu de grands succès en France et ont effectué des tournées à l’étranger.

En 1946, le dispensaire médical qui occupait l’actuelle Fondation Honnorat, alors dirigé par le Docteur René Lacourbe recevait une trentaine de patients, bien soignés, dans une ambiance sympathique. Le docteur permettait aux hospitalisés de faire quelques fois de « petites boums » le samedi soir.

Service médicale de la Fondation Honnorat
Service médicale de la Fondation Honnorat

Grâce à Mademoiselle Dupont et à Madame Jean-Baptiste, assistantes médicales, j’ai bénéficié d’une cure au chalet des étudiants de Combloux à l’ABCDEF (Association bougrement chouette des étudiants fatigués). Nous étions soignés comme des coqs en pâte et certainement pas trop fatigués, puisque nous gravissions allègrement les sentiers pour aller rendre visite à nos camarades étudiantes, logées dans un autre chalet perché dans les alpages, où l’herbe était bien tendre !

Le dispensaire est remplacé par l’Hôpital de la Cité universitaire, construit en 1965, sur l’ancien tennis couvert, grâce aux docteurs Labourbe, Abiven, fondateur du premier service palliatif en France dans cet établissement, le professeur Rémy, éminent radiologue, et beaucoup grâce à Michel Jobert, ancien de la Cité et ancien ministre de De Gaulle.

Pour compenser la suppression de ce tennis couvert et de ce terrain de football du 40 bd. Jourdan, il était prévu la construction d’une patinoire et d’un tennis couvert sur un terrain de Gentilly  appartenant à la Cité. Aujourd’hui vendu, l’Hôpital universitaire fait place à l’Institut mutualiste de Montsouris.

Le beau et bon restaurant propose des repas bien meilleurs que ceux que nous avons dû ingurgiter dans les années 50 : les menus variés comprennent des plats nationaux : paëlla, couscous, parmi d’autres … remplaçant nos saucisses à la purée de petits pois, les merlans « cuits à l’eau de vaisselle » comme disaient les plus difficiles ! Mais nous avions faim … La nouvelle disposition des salles favorise aussi les contacts entre les convives. Les restaurants du parc ouest et sud ne fonctionnent plus depuis quelques années.

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Restaurant universitaire de la Maison internationale de la CIUP

La petite brochure CitéScope paraissait mensuellement pour proposer un choix de nombreuses manifestations, conférences, expositions, concerts, produits dans chaque maison. Le Collège d’Espagne et la Maison d’Allemagne sont presque des centres culturels.

Aujourd’hui la « Gazette » de la CIUP, agréablement présentée, est publiée par la Fondation nationale. On peut regretter que les journaux ou bulletins comme le Journal de la Cité, Univers-Cité, Droit de Cité, Le Courrier des Sports, La Tête et les Jambes… ne paraissent plus.

Voici, brossés rapidement, quelques faits, quelques anecdotes vécus à la Cité depuis 1946 et avant de formuler une réponse aux questions posées à ce colloque, il est de mon devoir de présenter ma reconnaissance aux fondateurs, aux donateurs, aux responsables, les Présidents, les membres du Conseil d’administration, les délégués généraux, secrétaires généraux, personnels, à mes collègues directeurs des fondations, les gouvernements, les organismes partenaires qui ont fait vivre et animé la Cité depuis sa création. De mes années vécues ici, et en m’appuyant sur les témoignages de nombreux amis atteints de la Citéïte, cette maladie que contractent les amoureux de la Cité, je peux répondre que globalement le bilan est positif, que la Cité poursuit sa mission, accomplit son mandat avec des succès divers en fonction des circonstances et des périodes plus ou moins fastes.

Et je souhaite que, pour perpétuer, développer cette magnifique œuvre et l’idéal de la Cité, cette fée qui a le pouvoir et l’influence sur la destinée des hommes ; cette institution qui est un creuset de civilisations, un centre mondial de culture et d’humanisme, je souhaite que tous, en premier les résidents, participent à l’enrichir encore, en retenant la leçon donnée par nos prédécesseurs : d’apprendre à découvrir, à connaître, à comprendre et à entreprendre.

Robert Garric cet apôtre de l’amitié et de la solidarité nous recommande aussi « de croire à ce que l’on fait et de l’entreprendre dans l’enthousiasme« .

L’article ci-dessus est extrait de l’ouvrage « La Cité internationale universitaire de Paris : 75 ans d’évolutions » de la collection Cité Débats. il est reproduit ici avec l’aimable autorisation de la Maison des Etudiants Canadiens.

Guy Fouchet est un ancien résident de la Fondation Deutsche de la Meurthe (1964-1967). A côté de son riche parcours professionnel dans le monde de la finance internationale, de Paris à Genève en passant par Beyrouth et Londres, il a été le Président de l’ASCUP, l’Association Sportive de la Cité Universitaire de Paris (actuel service des sports de la Cité), et président de l’Alliance Internationale entre 2001 et 2002.

Voici quelques photos d’archives de Mr Fouchet, dans ses activités au sein de l’Alliance Internationale.

Centenaire d’André Honnorat

En 1968, à l’occasion des festivités entourant la célébration du centenaire d’André Honnorat, fondateur de la Cité internationale universitaire de Paris, Guy Fouchet, jeune homme alors, prononça un discours que nous vous proposons de découvrir ci-dessous. Il garde un souvenir fort de ce moment, ainsi qu’une grande fierté.


 

Il m’échoit l’honneur d’apporter la fidélité des étudiants de la Cité Universitaire de Paris au message de son fondateur: André Honnorat.

La Cité Universitaire ! Il fallait d’abord en avoir l’idée ! André Honnorat faisait partie de cette catégorie d’hommes qui ont des idées, non pas celles de leur temps, comme tout le monde, mais celles qui paraissent évidentes cinquante ans plus tard.

C’est après la Grande Guerre, à une époque difficile, que la nécessité lui apparut de permettre à des étudiants, de plus en plus nombreux et d’origine modeste, de bénéficier de conditions de travail et de vie favorables à l’épanouissement de leur personnalité.

« Cette initiative, affirmait-il, peut contribuer puissamment à répandre dans l’esprit public une vérité dont il ne se pénétrera jamais assez, à savoir que notre démocratie ne sera à la hauteur de son destin que si elle prend nettement conscience des devoirs qui lui incombent envers ses élites ».

La Cité répond donc à une aspiration de la jeunesse, française et internationale ; il s’agissait de former les élites de la Nation au contact de celles de tous les pays ; et, « pour épargner à l’Humanité le retour des horreurs » disait André Honnorat, il allait se faire « l’artisan d’une grande oeuvre de rapprochement moral et intellectuel entre les peuples ».

André Honnorat, fondateur de la Cité internationale
André Honnorat, fondateur de la Cité internationale

Sa conception de la Cité reflète l’idéalisme de l’époque et s’inscrit dans le mouvement universel pour la paix ; André Honnorat a voulu qu’on y apprît une vertu fondamentale: la tolérance ; il a voulu que la Cité constituât, par sa mission d’éducation et son rôle social, le germe d’un civisme et d’un nouvel humanisme. Créer une Cité Universitaire, voilà qui était une oeuvre d’envergure!

Pour la mener à bien, il a fallu à André Honnorat beaucoup de persévérance ; il était avant tout un homme d’action, courageux, bon et désintéressé ; il avait un idéal sur la réalisation duquel il a
concentré toutes ses forces.

 John Davison Rockefeller Junior (1874 – 1960) est un entrepreneur et philanthrope américain
John Davison Rockefeller Junior

Pour lui, il était évident que l’oeuvre ne serait complète que le jour où elle pourrait être dotée d’un foyer de vie commune, que le jour où ses résidents lui donneraient une âme. C’est ce vœu qu’exprimait aussi, indirectement et non sans inquiétude, Monsieur Rockefeller, le généreux donateur de la Maison Internationale, lorsqu’il écrivait :

« J’imagine que le problème le plus compliqué, celui dont la solution demandera le plus de temps, consistera à obtenir des étudiants qu’ils prennent en main dans la Maison l’organisation et le fonctionnement des diverses activités ».

 

C’est pourquoi André Honnorat s’était réjouit de la formation de l’A S. C. U. P., l’association sportive qui est la doyenne des organisations étudiantes de la Cité. Depuis plus de vingt ans, en effet, cette association fait la preuve de sa vitalité, au point de constituer aujourd’hui, avec plus de 3.000 membres actifs, l’une des plus importantes de Paris ; et, très certainement, elle est une des seules en France à organiser en son sein ses propres compétitions.

André Honnorat avait rêve d’une Cité Universitaire où résideraient et fraterniseraient des étudiants français et étrangers, sans aucune distinction de nationalités ou d’origines.

L’A. S. C. U. P. réalise précisément cette union dans ses équipes et permet de mieux se connaître par la pratique en commun d’activités sportives. Dès sa création, l’Association a été gérée
par les résidents ; et, si elle n’a jamais été contestée ni occupée, c’est tout simplement parce que, chaque jour depuis plus de vingt ans, elle se gère elle-même dans le cadre des installations qui sont mises à sa disposition.

Ainsi le sport a valeur d’exemple, souvent ignoré, voire méprisé parce que la signification du sport est méconnue. En effet, il n’est pas seulement délassement et divertissement, mais aussi recherche de soi, dépassement de soi et connaissance des autres. Aussi faut-il affirmer avec force, avec les auteurs de « l’Essai de doctrine du sport » que celui-ci

« est un remarquable moyen d’éducation: facteur précieux de l’équilibre physiologique et psychologique, école de la volonté, discipline morale, excellent apprentissage des relations humaines, il favorise l’épanouissement de certaines qualités d’action, l’adaptation des jeunes à la Cité d’aujourd’hui »·

Voilà bien des vertus indispensables à l’exercice de responsabilités sociales! Le sport constitue une école du civisme ; et le club, qui est la cellule de base de l’organisation sportive, peut permettre un apprentissage de la vie démocratique – à la Cité Universitaire surtout où chaque Fondation constitue non seulement un petit club sportif, mais une cellule beaucoup plus large animée par un Comité de Résidents.

Alors que l’activité sportive, qui favorise l’insertion dans la vie sociale, s’est développée de façon importante dans la masse des résidents, en revanche, malgré les efforts courageux de quelques-uns – efforts trop souvent isolés, trop longtemps annihilés – il n’a guère été possible au Centre Culturel et à l’Association Générale des Résidents de connaître un essor à la dimension d’une Cité Internationale et à la mesure de ce qu’eût souhaité son fondateur et mérité son noble idéal.

Il appartient aux résidents de la Cité Universitaire de réaliser cet idéal de rapprochement intellectuel et de formation des hommes, dans le cadre de leurs Fondations et surtout dans celui, remarquable, de la Maison Internationale – qui est ouverte à tous et qui doit être un foyer de rayonnement culturel mondial.

Que l’universalité de la culture y soit respectée! Que les expressions les plus diverses et les plus originales puissent librement et également s’y épanouir, telle est la vocation de la Maison Internationale.

Mission délicate et qui nécessite le concours d’hommes compétents et dynamiques qui soient de véritables animateurs afin de vaincre la passivité dans laquelle enferment les loisirs de masse.

Enfin, l’action sociale est liée à l’action éducative et culturelle. Aujourd’hui, au terme d’une longue évolution qui voit couronner le travail fructueux de responsables, lucides et tenaces, non plus isolés mais portés par la vague de fond qui a conduit à une large prise de conscience, la participation des résidents devient une réalité, dans les cœurs d’abord, dans les textes ensuite.

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Fête des nations 1964

Les structures nouvelles qui viennent d’être adoptées par le Conseil d’Administration et approuvées par l’Assemblée Générale Internationale des Résidents, consacrent ce principe qui doit devenir une réalité quotidienne.

C’est par la dialectique de la participation et de la contestation que les résidents entendent apporter leur enthousiasme pour faire de la Cité, par un processus démocratique – de « destruction créatrice » – une oeuvre sans cesse renouvelée.

Aussi peut-on espérer voir un jour se réaliser l’idéal d’André Honnorat, parce que des Jeunes de toutes nationalités, de toutes croyances, auront appris, à la Cité Universitaire de Paris, à faire quelque chose ensemble et à redécouvrir cette pensée d’un berbère – saint Augustin:

« Aimer son pays, c’est admettre que les autres puissent aimer le leur ».

René Depestre est un poète et écrivain français né le 29 août 1926 à Jacmel en Haïti. Il a résidé à la Maison du Portugal (Résidence André de GOUVEIA) de 1946 à 1950.

AVT_Rene-Depestre_8240Depestre fonde dès 1942 un hebdomadaire avec trois amis : Baker, Alexis, et Gérald Bloncourt: La Ruche (1945-46). « On voulait aider les Haïtiens à prendre conscience de leur capacité à rénover les fondements historiques de leur identité » (dit-il dans Le métier à métisser).

Le gouvernement fait saisir le numéro de 1945 consacré à André Breton, ce qui déclenchera l’insurrection de janvier 1946.

Haïtien de langue française, il publie dès ses 19 ans, en 1945, ses premiers vers dans le recueil Étincelles. L’ouvrage est préfacé par Edris Saint-Amand.

Actif dans la vie politique de son pays, il est l’un des dirigeants du mouvement étudiant révolutionnaire de janvier 1946, qui parvient à renverser le président Élie Lescot. Après la prise du pouvoir par l’armée,  il est incarcéré, puis doit quitter son île natale pour partir en exil en France.

Dans la capitale française il poursuit des études de lettres et en sciences politiques à la Sorbonne (1946-1950). Tout en résident à la Cité, il fréquente les poètes surréalistes français et des artistes étrangers, ainsi que les intellectuels du mouvement de la négritude, qui se réunissent autour d’Alioune Diop et de Présence Africaine.

Depestre participe activement aux mouvements de décolonisation en France, et il est expulsé du territoire français.

depestre__unesco__02Après être passé par de nombreux pays, invité par Che Guevara, il s’installera dès 1959 pendant près de 20 ans à Cubas, où il occupera d’importantes fonctions au sein du gouvernement castriste (Ministère des Relations Extérieures, Éditions nationales, Conseil National de la Culture, Radio Havana-Cuba, Las Casas de las Américas, Comité de préparation du congrès culturel de la Havane en 1967).

Dans les années 1970, il fuit Cuba et les dérives castristes, et s’installe à Paris où il travaille de nombreuses années pour l’UNESCO.

Il s’installe dans l’Aude à Lézignan-Corbières en 1980. Il obtient la nationalité française en 1991.

Tout au long de ses pérégrinations il a continué a écrire, et s’est vu décerné plusieurs récompenses (Prix Renaudot, Prix du roman de la Société des gens de lettres, prix Apollinaire de poésie, …). En avril 2007, il fut le lauréat du Prix Robert Ganzo de poésie pour son livre La rage de vivre édité aux éditions Seghers.

Témoignage lors des 50 ans de l’Alliance

« Là où l’homme a vécu commence sa légende » a dit un grand poète de ce temps. Après la Place d’Armes de Jacmel, Haïti, mon port natal, la Cité universitaire de Paris demeure dans mon parcours d’écrivain le second chef-lieu où se sont noués les mystères de mes jours et ceux des personnages de mes fictions. Mon humble mythologie est née dans ce foyer des étudiants du boulevard Jourdan, un matin plutôt glacial de l’hiver 46-47. Ce jour-là, le sentiment du merveilleux quotidien, sans s’annoncer, entra à pas de fée moderne dans ma vie.

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Cinquante ans plus tard, ce Jour des Rois ne s’est pas égaré dans les détours aventureux que lui a fait prendre ma traversée du siècle. Les formidables leçons de choses que je dois à mon séjour à la Cité font encore la loi dans mes derniers méandres et elles rafraîchissent la perception que j’ai des certitudes comme des inconséquences de la modernité démocratique.

Métier à métisser

Les coups d’ailes qu’il m’arrive souvent de donner vers le passé conduisent mon temps d’homme mûr autour de la Maison Internationale, où la métaphysique des lieux de mon aventure de poète possède son épicentre sismique. De 1946 à 19 50, en effet, le train de vie d’étudiant à la Cité, à l’aube d’une implacable guerre froide, me fit découvrir, dans un milieu pluriculturel, transnational, le possible contre-pouvoir du livre et de l’écriture, le contre-pouvoir du rêve et de la connaissance, le seul métier à métisser qui soit capable de transcender les clivages pseudo-identitaires du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, sans parler des superstitions « raciales » qui avilissent d’habitude l’hominité1 sacrée de la vie en société.

Je remercie en 1998 les jeunes êtres, garçons et filles-jardins de ma génération que j’ai coudoyés, ces années-là, d’une maison de rêve à l’autre de la Cité, pour les merveilleux contacts de culture et de civilisation que leur savoir-vivre devait mettre à ma portée. Tout en amont de la mondialité qu’on nous fait aujourd’hui, je remercie vivement les temps juvéniles de la Cité de la force naturelle
de tolérance et de civisme mondial qui irriguait alors nos travaux et nos jours d’étudiants.

Un jeune poète de 1948

À la Cité universitaire de Paris, on pouvait déjà apprendre à se méfier de l’identité-à-racine-unique qui fait maintenant les choux gras des dogmes ethno-nationalistes et des divers « intégrismes » à la noix qui ont pignon sur les rues du monde. Un jeune poète de 1948, même quand il était sous le « charme » du messianisme à la soviétique, comme ce fut longtemps mon cas, pouvait toutefois, au fond de son esprit d’enfance, adhérer secrètement à la notion d’identité multiple.

René Depestre - hadriana-dans-tous-mes-revesCinquante ans après 48, à l’heure du bilan des« anciens de la Cité», à l’heure de la réévaluation générale des repères du vingtième siècle, n’est-ce pas cette vision d’une « identité-banian »2 qui tient notre vieil âge d’homme à l’abri de la sorcellerie péremptoire des utopies de la haine et du mépris qui cherchent à déshonorer le silo des raisons de vivre que le monde a accumulées en matière de justice, de démocratie, de civisme et de civilisation ?

Pour avoir vécu, plusieurs années durant, comme un poisson heureux dans l’eau universitaire de la Cité, il n’ a été possible d’éviter que des croyances meurtrières du siècle truquent à jamais mon intégrité d’artiste et de citoyen. Animal d’intégration du « chez-soi-haïtien » et du« chez-autrui-à-la-française », grâce sans doute aux années d’apprentissage à la Cité, (« Tout apprentissage est un métissage », Michel Serres dixit), je peux aujourd’hui, face au vent mortifère des nationalismes de tous bords, rester imperturbablement un métisserand des choses principales de la vie et de la tendresse, comme un cerf d’Italie au passage d’une tempête sans foi ni loi.

Source : Lehman, wikipedia, Brochure des 50 ans de l’Alliance Internationale
Photos : DR Alliance Internationale

Michel et Monique RivierJ’ai rencontré ma femme Monique à la « Deutch », comme le disaient à l’époque, tous les étudiants qui vivaient à la « cité », autre raccourci…

En fait je l’ai rencontré au « Monaco » considéré un peu comme une vieille dame assoupie dans ses anciens décors. Je venais de passer 1 an déjà au nouveau bâtiment des Arts &Métiers pour ma dernière année d’étude d’ingénieur.

J’avais donc demandé à bénéficier d’une 2ème année, au pavillon Deutch, pour un troisième cycle. Septembre 1967, donc, redécouverte de la cité sous un angle un peu plus festif que n’avait pu me permettre ma 1ère année. Bien sur, il y avait les sports, tennis, salle de gymnastique, piscine, mais c’est le groupe de danse qui retint mon attention. Surement pour pouvoir franchir plus aisément la barrière « des sexes » entre étudiants. Pendant un an j’ai eu un plaisir fou à apprendre plusieurs danses folkloriques, parallèlement à ma participation à l’équipe de rugby de la Cité.

Ainsi en janvier 68, une jeune fille rentre dans la chambre d’un ami, au Monaco, pour proposer une séance de présentation de photos des dernières vacances d’hiver passées dans les Alpes dans l’un des centres de l’UCPA, séance de photos souvenirs entre amis skieurs d’une semaine. « Vous pouvez venir aussi si vous voulez me lança-t-elle, en partant ». Il ne fallut pas que l’on me le répéta deux fois !, la chose était gravée dans ma tête. Soirée souvenir donc,…, puis resto U à la « Fondation » comme nous appelions le Pavillon central, je retrouvais Monique plus fréquemment jusqu’à mai 68.

L’agitation des facs de Paris remonta à la Cité, beaucoup de maisons nationales voyaient leur étudiants remuer, certaines avec des objectifs politiques, d’autres plus « gestionnaires » voulaient remettre en cause les fonctionnements existants. La Deutch n’y échappa pas. Il faut dire qu’à l’époque, il y avait un pavillon strictement occupé par les filles avec règles strictes d’accès. Puis, il y avait un pavillon de garçons et un autre de filles où les accès étaient libres. Le dernier verrou devait tomber aux dires des étudiants,…. il tombera effectivement.

A la Deutch les choses étaient organisées, il y avait un Comité des étudiants résidents de la Deutch. Monique en était la Présidente avec une demi-douzaine de camarades autour d’elle. La rentrée de septembre avait été houleuse au moment de l’élection du Comité : plus de politique ou moins de politique ? Déjà les évènements qui couvaient, firent une relative apparition au cours du premier trimestre 68. Pétition formelle, démission de l’un,…, j’eu le plaisir d’intégrer le comité des résidents de la Deutch par cooptation non démocratique (mais légale puisque prévue aux statuts). Bref, avec Monique nous nous attaquâmes à la révision des statuts de la résidence « Deutch de la Meurthe ». Nous eûmes ainsi une demi-douzaine de rencontres, réunions de travail avec notre directeur M. Lejeune. Ce ne fut pas une rude bataille, mais plutôt un apprentissage de la diplomatie, nous étions à bonne école. Je le dis sans animosité et avec le sourire aux lèvres (puisque j’ai dépasé l’âge qu’avait lui-même M. Lejeune à l’époque), ce qui nous embêtait le plus chez notre interlocuteur, c’était sa manie (mais oh combien nécessaire) de rappeler le contexte et les limites du possible du moment. Cela durait en général une bonne dizaine de minutes à chaque rencontre, nous prenions notre mal en patience !!!

Nous n’étions pas des extrémistes et nous cheminâmes vers des améliorations qui, somme toutes, sont complètement normales aujourd’hui. Ainsi nous apportâmes notre petite pierre à l’édifice nouveau qui se construisait dans la société. En sortant d’une réunion avec M. Lejeune, Monique et moi nous nous regardions en nous disant « serons-nous comme lui à son âge ? ». Mais finalement, chaque maison nationale eut son lot de modifications ou de fermeture temporaire plus ou moins longue.

Malgré toute cette agitation, soit dans la Cité, soit dans Paris dans les locaux des facs ou à l’Odéon, chacun retourna à ses études pour finaliser les examens soit en juillet, soit en septembre. Ce fut une période réellement extraordinaire : vent de liberté, oui, mais pas seulement, les potentialités que nous découvrions au contact des autres étudiants venus des 4 coins de la planète, lors de conversations sans fin, nous ouvraient des horizons de rêves et d’avenir. Quelques amis de cette époque sont toujours nos amis aujourd’hui, 45 ans après, ils sont à 1km ou à 14000km peu importe, mais notre amitié d’alors a survécu jusqu’à aujourd’hui.

Finalement, 68-69, notre 3ème année à la Cité, conforta nos avancées dans la vie tout simplement. En effet, le 20 juillet 1969, certains arrivaient sur la lune et nous, nous décidâmes de nous fiancer, comme on le faisait encore un peu à l’époque. Et nous organisâmes la célébration de notre mariage au pavillon central de la Deutch de la Meurthe. Ce fut le 9 novembre 1969, les copains de la Cité étaient là, les parents étaient là, les amis étaient là et M. et Mme Lejeune étaient là. Ce fut un bonheur, un beau moment que nous devions à notre directeur qui avait  accepté que nous organisâmes tout cela sur place. M. Lejeune était aussi un homme bon…. Qu’il en soit remercié à nouveau ici, en cet instant de souvenir. D’ailleurs, nos relations eurent l’occasion de s’amplifier quelques années plus tard, lors de sa prise de retraite et de son emménagement dans son appartement rue Gazan. La vie lui avait réservé quelques surprises de dernière minute en matière immobilière !

Puis, 25 ans après, en 1994, c’est notre fils ainé Léonard qui vint passer un an aux Arts et Métiers, enfin ce fut notre fille Caroline qui y séjourna 2 ans, au pavillon américain, fin des années 90. La troisième Aurélia n’eut pas ce plaisir puisque d’autres solutions institutionnelles lui furent proposées.

Actuellement, nous avons 5 petits enfants entre 5 ans et 1 an, répartis entre la France et l’étranger. Notre souhait serait que l’un après l’autre, chacun de nos petits-enfants puisse bénéficier d’un passage à la Cité, creuset de la vision d’un homme ou d’une femme jeune, forge d’une conscience universelle et non melting pot.

Monique et Michel Rivier

Publié avec l’aimable autorisation du service Mécénat de la CIUP – Parution en Mars 2014 dans la Lettre du Mécénat.

Veselin Djurdjevac est un ancien résident de la Maison des provinces de France. Il revient sur ses années de résidence à la Cité internationale universitaire de Paris au travers de quelques questions.

En quelle(s) année(s) et dans quelle(s) maison(s) avez-vous résidé à la Cité ?

De 1964 à 1967 – Maison des Provinces de France (MPF), comme résident; puis, comme passager, entre avril 1968 et juin 1969 (Victor Lyon, Maison de Tunisie et Maison du Cambodge). Continue reading…

Thanh Mai est un ancien résident de la Maison des étudiants d’Asie du Sud-Est (1954-1958). Du Vietnam à la France, des beaux-arts à l’architecture, Thanh Mai revient sur son parcours et sur ses années de résidence à la Cité.

Wei-Jen Pearl JWO a résidé au sein la Résidence Robert Garric (Maison Internationale). Elle revient en vidéo sur ses années de vie à la Cité (1991-1994) et sur son parcours professionnel.

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zoubirZoubir CHAOUCHE RAMDANE, est un ancien résident de la Cité internationale. Il est aujourd’hui professeur en Algérie. Il s’est prêté au jeu du témoignage d’ancien.

En quelle(s) année(s) et dans quelle(s) maison(s) avez-vous résidé à la Cité ?
Maison des Provinces de France (MPF) de 1975 à 1980.

A quelle université étiez-vous inscrit, quelle formation suiviez-vous ? Paris était-il le seul choix possible ?
J’étais à l’Université de Droit, d’Economie et de Sciences sociales Paris II en Sciences de l’information. Paris était le seul choix possible.

Quels souvenirs gardez-vous de vos années de séjour à la Cité ? Comment était la vie sur à la Cité ?
Les meilleurs souvenirs de mon séjour à la Cité Internationale ont trait essentiellement aux espaces verts qui entourent toutes les Maisons et Résidences, aux rencontres avec les autres résidents issus d’autres continents et marqués par des coutumes et traditions complémentaires, aux échanges inter – culturels et aux activités culturelles (théâtre, cinéma etc…) et sportives (piscine, tennis, promenade à travers les espaces verts).

La vie à la Cité est des plus apaisante et pleine de sérénité. Le cadre de la CIUP offre toutes les commodités pour les étudiants, les chercheurs, les Professeurs et même pour tout citoyen ou passager qui aspire à une bouffée d’oxygène et désire se revigorer dans cet espace universitaire commun à des étudiants et étudiantes de différentes nationalités, cultures, religions, traditions, coutumes et croyances.

Les valeurs humanistes à l’origine du projet de la Cité Internationale, étaient-elles une réalité ou une utopie ?
Il me semble qu’à ce jour l’ensemble des valeurs humanistes qui ont prévalu à la création de la Cité Internationale sont bien ancrées et bien défendues, aussi bien par les étudiants résidents, les Responsables à tous niveaux, que par le personnel en exercice.

Malgré les nombreuses activités proposées à la CIUP, avez-vous trouvé le temps et les moyens de suivre correctement vos études ?
Bien sûr que oui. Le cadre général de la Cité Internationale participe pour beaucoup à allier à la poursuite des études  les activités culturelles et sportives et les échanges;  et ceci quel que soit le cycle d’études et de recherches de l’étudiant ou du chercheur. C’est un cadre idéal pour réussir dans ses études et connaître « l’Autre ».

Vous êtes-vous investi dans la vie de la Cité ? Si oui, de quelle manière ?
Je peux dire aujourd’hui avec un regard d’une trentaine d’années passées que, durant la période de mon séjour,  je ne me suis pas beaucoup investi dans la « gestion autorisée », telle que  les comités de résidence ou autres.

La dimension internationale de la vie à la Cité vous a-t-elle apporté des éléments utiles pour la suite de votre carrière professionnelle ?
Il est clair que la dimension internationale de la vie à la Cité m’a permis d’acquérir et de conforter un certain nombre de principes, notamment en ce qui concerne, d’abord la tolérance , le regard sur l’Autre, et une ouverture d’esprit utile, voire nécessaire pour notre carrière d’enseignant.

Etes-vous resté en contact avec des résidents de la même époque que vous ou des Anciens de la Cité ?
Relativement peu de contacts avec les résidents de la même époque ou les Anciens de la Cité si ce n’est quelques  compatriotes et maghrébins dans le cadre de mon activité professionnelle et de recherche.

Etes-vous revenu à la Cité depuis votre séjour ? Aimeriez-vous revenir à la Cité, si l’occasion vous en était donnée ?
Depuis mon départ de France en 1981, il m’arrive, de passage à Paris, de re-visiter la Cité Internationale et de me retremper dans cet environnement « estudiantin ».

Comment percevez-vous la Cité aujourd’hui ? Avez-vous l’impression qu’il y ait eu des changement importants ?
A première vue l’espace de la Cité n’a pas subi de très grandes modifications , mais à regarder de près, de nombreuses résidences ont été réaménagées voire restaurées pour s’intégrer dans le modernisme.

Que faites-vous aujourd’hui ?
Actuellement, j’enseigne comme Professeur à la Faculté des Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université d’Alger 3 et comme Professeur associé à l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’Information d’Alger. Je préside par ailleurs le Conseil scientifique de l’Agence Thématique de Recherche en Sciences Sociales et Humaines d’Alger et ce depuis 2013.

C’est avec tristesse que nous avons appris le décès de l’homme politique français de Jacques Barrot. Ancien résident du CICS en 1964, il a occupé plusieurs fonctions ministérielles, dont celles de ministre du Commerce, de la Santé et du Travail.

Jacques Barrot a également été vice-président de la Commission européenne de 2004 à 2009, initialement chargé des Transports, puis de la Justice et des Affaires intérieures. Il a été membre du Conseil constitutionnel jusqu’à sa disparition.

L’Alliance Internationale souhaite présenter  ses condoléances à sa famille et à ses proches, et rendre hommage à cet universitaire de talent qui a grandement marqué la vie de l’association.

Crédits photo : European Parliament CC By-Nc-Nd 2.0