Guy Fouchet est un ancien résident de la Fondation Deutsche de la Meurthe (1964-1967). A côté de son riche parcours professionnel dans le monde de la finance internationale, de Paris à Genève en passant par Beyrouth et Londres, il a été le Président de l’ASCUP, l’Association Sportive de la Cité Universitaire de Paris (actuel service des sports de la Cité), et président de l’Alliance Internationale entre 2001 et 2002.
Voici quelques photos d’archives de Mr Fouchet, dans ses activités au sein de l’Alliance Internationale.
Centenaire d’André Honnorat
En 1968, à l’occasion des festivités entourant la célébration du centenaire d’André Honnorat, fondateur de la Cité internationale universitaire de Paris, Guy Fouchet, jeune homme alors, prononça un discours que nous vous proposons de découvrir ci-dessous. Il garde un souvenir fort de ce moment, ainsi qu’une grande fierté.
Il m’échoit l’honneur d’apporter la fidélité des étudiants de la Cité Universitaire de Paris au message de son fondateur: André Honnorat.
La Cité Universitaire ! Il fallait d’abord en avoir l’idée ! André Honnorat faisait partie de cette catégorie d’hommes qui ont des idées, non pas celles de leur temps, comme tout le monde, mais celles qui paraissent évidentes cinquante ans plus tard.
C’est après la Grande Guerre, à une époque difficile, que la nécessité lui apparut de permettre à des étudiants, de plus en plus nombreux et d’origine modeste, de bénéficier de conditions de travail et de vie favorables à l’épanouissement de leur personnalité.
« Cette initiative, affirmait-il, peut contribuer puissamment à répandre dans l’esprit public une vérité dont il ne se pénétrera jamais assez, à savoir que notre démocratie ne sera à la hauteur de son destin que si elle prend nettement conscience des devoirs qui lui incombent envers ses élites ».
La Cité répond donc à une aspiration de la jeunesse, française et internationale ; il s’agissait de former les élites de la Nation au contact de celles de tous les pays ; et, « pour épargner à l’Humanité le retour des horreurs » disait André Honnorat, il allait se faire « l’artisan d’une grande oeuvre de rapprochement moral et intellectuel entre les peuples ».
Sa conception de la Cité reflète l’idéalisme de l’époque et s’inscrit dans le mouvement universel pour la paix ; André Honnorat a voulu qu’on y apprît une vertu fondamentale: la tolérance ; il a voulu que la Cité constituât, par sa mission d’éducation et son rôle social, le germe d’un civisme et d’un nouvel humanisme. Créer une Cité Universitaire, voilà qui était une oeuvre d’envergure!
Pour la mener à bien, il a fallu à André Honnorat beaucoup de persévérance ; il était avant tout un homme d’action, courageux, bon et désintéressé ; il avait un idéal sur la réalisation duquel il a
concentré toutes ses forces.
Pour lui, il était évident que l’oeuvre ne serait complète que le jour où elle pourrait être dotée d’un foyer de vie commune, que le jour où ses résidents lui donneraient une âme. C’est ce vœu qu’exprimait aussi, indirectement et non sans inquiétude, Monsieur Rockefeller, le généreux donateur de la Maison Internationale, lorsqu’il écrivait :
« J’imagine que le problème le plus compliqué, celui dont la solution demandera le plus de temps, consistera à obtenir des étudiants qu’ils prennent en main dans la Maison l’organisation et le fonctionnement des diverses activités ».
C’est pourquoi André Honnorat s’était réjouit de la formation de l’A S. C. U. P., l’association sportive qui est la doyenne des organisations étudiantes de la Cité. Depuis plus de vingt ans, en effet, cette association fait la preuve de sa vitalité, au point de constituer aujourd’hui, avec plus de 3.000 membres actifs, l’une des plus importantes de Paris ; et, très certainement, elle est une des seules en France à organiser en son sein ses propres compétitions.
André Honnorat avait rêve d’une Cité Universitaire où résideraient et fraterniseraient des étudiants français et étrangers, sans aucune distinction de nationalités ou d’origines.
L’A. S. C. U. P. réalise précisément cette union dans ses équipes et permet de mieux se connaître par la pratique en commun d’activités sportives. Dès sa création, l’Association a été gérée
par les résidents ; et, si elle n’a jamais été contestée ni occupée, c’est tout simplement parce que, chaque jour depuis plus de vingt ans, elle se gère elle-même dans le cadre des installations qui sont mises à sa disposition.
Ainsi le sport a valeur d’exemple, souvent ignoré, voire méprisé parce que la signification du sport est méconnue. En effet, il n’est pas seulement délassement et divertissement, mais aussi recherche de soi, dépassement de soi et connaissance des autres. Aussi faut-il affirmer avec force, avec les auteurs de « l’Essai de doctrine du sport » que celui-ci
« est un remarquable moyen d’éducation: facteur précieux de l’équilibre physiologique et psychologique, école de la volonté, discipline morale, excellent apprentissage des relations humaines, il favorise l’épanouissement de certaines qualités d’action, l’adaptation des jeunes à la Cité d’aujourd’hui »·
Voilà bien des vertus indispensables à l’exercice de responsabilités sociales! Le sport constitue une école du civisme ; et le club, qui est la cellule de base de l’organisation sportive, peut permettre un apprentissage de la vie démocratique – à la Cité Universitaire surtout où chaque Fondation constitue non seulement un petit club sportif, mais une cellule beaucoup plus large animée par un Comité de Résidents.
Alors que l’activité sportive, qui favorise l’insertion dans la vie sociale, s’est développée de façon importante dans la masse des résidents, en revanche, malgré les efforts courageux de quelques-uns – efforts trop souvent isolés, trop longtemps annihilés – il n’a guère été possible au Centre Culturel et à l’Association Générale des Résidents de connaître un essor à la dimension d’une Cité Internationale et à la mesure de ce qu’eût souhaité son fondateur et mérité son noble idéal.
Il appartient aux résidents de la Cité Universitaire de réaliser cet idéal de rapprochement intellectuel et de formation des hommes, dans le cadre de leurs Fondations et surtout dans celui, remarquable, de la Maison Internationale – qui est ouverte à tous et qui doit être un foyer de rayonnement culturel mondial.
Que l’universalité de la culture y soit respectée! Que les expressions les plus diverses et les plus originales puissent librement et également s’y épanouir, telle est la vocation de la Maison Internationale.
Mission délicate et qui nécessite le concours d’hommes compétents et dynamiques qui soient de véritables animateurs afin de vaincre la passivité dans laquelle enferment les loisirs de masse.
Enfin, l’action sociale est liée à l’action éducative et culturelle. Aujourd’hui, au terme d’une longue évolution qui voit couronner le travail fructueux de responsables, lucides et tenaces, non plus isolés mais portés par la vague de fond qui a conduit à une large prise de conscience, la participation des résidents devient une réalité, dans les cœurs d’abord, dans les textes ensuite.
Les structures nouvelles qui viennent d’être adoptées par le Conseil d’Administration et approuvées par l’Assemblée Générale Internationale des Résidents, consacrent ce principe qui doit devenir une réalité quotidienne.
C’est par la dialectique de la participation et de la contestation que les résidents entendent apporter leur enthousiasme pour faire de la Cité, par un processus démocratique – de « destruction créatrice » – une oeuvre sans cesse renouvelée.
Aussi peut-on espérer voir un jour se réaliser l’idéal d’André Honnorat, parce que des Jeunes de toutes nationalités, de toutes croyances, auront appris, à la Cité Universitaire de Paris, à faire quelque chose ensemble et à redécouvrir cette pensée d’un berbère – saint Augustin:
« Aimer son pays, c’est admettre que les autres puissent aimer le leur ».
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